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Les Chroniques absurdes
5 avril 2013

Hors-Série : Un prévisible

slug

« Oh non ! C’est encore au caramel ! » s’exclame Cyril dans un soupir exaspéré en découvrant le contenu de l’emballage qu’il vient d’ouvrir.
« Mais c’était écrit dessus », soupire Mélissa.
« Oui mais ils auraient pu essayer de me surprendre ! », continue Cyril en jetant la confiserie sur sa table de chevet.
C’est toujours la même chose, Cyril n’en fait qu’à sa tête : un vrai petit diable celui-là. Mélissa ne peut plus le supporter. La jeune femme de 25 ans considère chaque discussion avec lui comme du temps gaspillé sur sa journée de travail. Et elles sont bien remplies, comme pour tous les aides-soignants de la maison de retraite des Bleuets, près de Genève. Car voyez-vous, Cyril est un petit diable de 86 ans.

Les Bleuets offrent un cadre de fin de vie idéal. Installé au bord du lac Léman, le charmant manoir qui constitue l’essentiel de la résidence accueille la fine crème de la bourgeoisie suisse, française et italienne. On y meurt entre gens de bonne compagnie.
Mais pour Mélissa, Cyril est un intrus. Agaçant, rustre, puéril : il cumule ce qu’elle considère être les pires défauts. Elle qui pensait être débarrassée des enfantillages en travaillant chez des vieux, la voilà face au pire garnement que la Terre ait jamais porté.
Dans son peignoir émeraude, il arbore un embonpoint de bonne importance. Sa longue barbe grise et sa chevelure argentée pourraient donner une impression de sagesse, mais « il ne trompe personne », vous dirait Mélissa.

« Monsieur Delacour, vous n’êtes pas logique. À quoi vous attendiez vous ? Sous un emballage de carambar il y a forcément … ». Elle marque une pause et marmonne «  je n’en reviens pas de devoir dire ça », puis elle finit sa phrase : « un carambar ».
« Non, je suis désolé, ce n’est pas une raison. C’est beaucoup trop prévisible. C’est comme leurs blagues. On s’attend à ce qu’elles soient nulles et quand on les lit, on se rend compte qu’elles le sont. Ils devraient en mettre des drôles de temps en temps, pour surprendre les gens. Mais non, ils s’assoient sur leurs acquis. Je vais vous dire ma chère Lucinda...
-Non, moi c’est Mélissa.
-Oui, Mélinda, peu importe. Dans ma jeunesse, je passais mon temps à faire des surprises à tout le monde. Par exemple, une fois j’ai inversé le bouton d’eau froide et d’eau chaude dans la douche d’un ami. Ce même ami à qui j’ai offert le disque d’une chanteuse qu’il détestait dans le boitier de celle qu’il adorait. Alors certes, il me détestait. Mais il ne me trouvait pas ennuyant ! Tiens, d’ailleurs, j’ai une surprise pour vous. »

Cyril se retourne et prend un deuxième carambar sur la table de nuit de sa chambre privée : « C’est celui que vous m’avez amené hier. Goûtez-le ! »
Mélissa n’est pas du genre à se laisser donner des ordres par les résidents des Bleuets, mais  avec Cyril, les règles ne sont pas vraiment les même. Elle porte le carambar à sa bouche et …
« Mais il a un goût de caramel !
-Vous voyez ! Alors Carambar manque toujours cruellement d’originalité, mais moi, avouez que je vous ai surpris ! »

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